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Jouer sur Blisstown

BlissTown, mutation carcérale bâtarde de Las Vegas, microcosme en plein coeur du Désert du Nevada. Construite à l’image des ambitions des plus grands entrepreneurs du monde, la ville et ses alentours sont le résultat de tout l’isolement que l’argent peut acheter. Ici, même le climat est maîtrisé par un miracle surnaturel appelé Bliss dont seule Ceres semble percevoir les contours. Être un BlissTownie, c’est un statut unique au monde. Un art de vivre pour certains, une malédiction pour beaucoup. Une culture de l’éphémère, un attachement toxique à une ville qui étouffe ses enfants tout en les propulsant dans un univers où tout va trop vite. Au milieu de cet environnement en mutation permanente offrant à ses enfants des capacités qu’ils n’ont jamais demandées s’affrontent les ambitions, les recherches de liberté et les soifs de vengeance. A chaque nouvel événement étrange et parfois désastreux, les questions pleuvent. Pourquoi tout le monde reste dans cette ville-expérience où l’influence des gangs s’étend un peu plus chaque jour ? Quelle nouvelle bizarrerie réserve-t-elle à ses habitants ? Mais surtout : qu’est-ce que le Bliss, et que faire de ce terrifiant cadeau du destin ?
Chapitre ILe phénomène Eleanor
Actualités HRP
20.04.2023

Un sujet de foire aux questions a été créé pour regrouper les questions du discord.

10.04.2023

Ouverture du forum, allez lire le message d'introduction !

@Blisstown Whispers

Il paraît qu’un sous-sol supplémentaire est apparu sousl’ancien Caesar Palace en l’espace d’une nuit, après le grand“boum” que tout le monde a entendu.

@SinistreDoggo

Je suis passé devant un bâtiment qui n'était pas là hier. Il est immense, noir et semble être en construction depuis des années. Mais personne n'a jamais vu qui travaille dessus.

@AidenMystery

Je suis allé dans un parc qui était fermé pour la rénovation. Pourtant, j'ai entendu des rires et des cris d'enfants. En me retournant, j'ai vu des jouets bouger tout seuls.

@SkyeTheExplorer

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Eva Wolffhart

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Instabilités du Bliss

On constate des disparitions, et beaucoup d'admissions à la clinique ...


L’art et la manière de traîner une casserole

Frederick Byracka
Exilé(e)
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L’art et la manière de traîner une casserole - Page 3 Bb4z
Messages :
92
Âge :
30 ans
Origine :
Starcadia
Métier :
Chef pâtissier
Citation :

La vie est moins amère avec un petit morceau de sucre.
Disponibilité :
Disponible
Biographie :
Ancien patron des "Délices du Bliss", connu pour ses pâtisseries aussi divines qu'onéreuses, Frederick avait pour habitude de vivre dans l'opulence. Se considérant comme génie culinaire et visionnaire dans son domaine, il vivait pour son Art.

Depuis la découverte de son Altération, il a choisi l'exile pour continuer à exercer sa passion sans vivre dans la peur constante d'empoisonner quelqu'un.

Le problème, c'est qu'il lui est bien difficile de trouver des ingrédients de qualités là où il se trouve à présent... Et il faut avouer qu'il peine un peu à se mélanger aux reclus de la société qui ont fait de Stone Belt leur terrain de chasse.
Frederick Byracka
https://blisstown.forumactif.com/t125-recettes-de-famille#231
https://blisstown.forumactif.com/t126-delices_du_bliss#235
Avec la tension qui parcourait son corps en cet instant, c’était pratiquement un miracle qu’il n’ait pas écrabouillé entre ses doigts la pauvre sphère chocolatée qu’il avait pioché au hasard dans le ballotin boudé par Dariel. Il serrait les dents, une sale manie qu’il avait contracté après des années passées à devoir se retenir de force d’ajouter quelque chose, de protester ou de se défendre, au risque d’être réprimandé pour avoir parlé sans y être autorisé. Oh, Dariel le laisserait certainement poursuivre et détailler les évènements qui l’avaient mené jusqu’à son coin de la Stone Belt; il s’était gardé de l’interrompre jusqu’à présent, il pouvait bien continuer un peu. Sauf que voilà : le couperet finira par tomber tôt ou tard. Et Frederick préférait ne pas faire durer le supplice. Il avait dit ce qu’il avait à dire, du moins en surface. À Dariel de trancher, maintenant.

L’homme ne tarda pas à se mettre en mouvement, contournant le plan de travail pour se placer de son côté, tout en lui servant des paroles que Frederick avait du mal à prendre pour argent comptant. Progressivement, il gagnait son niveau, débitant sur un ton calme et posé ses vérités qui sonnaient fausses aux oreilles du pâtissier. Car ça ne pouvait pas être aussi simple. Son existence était partie en sucette, il était naturel que tous les aspects de sa vie suivent le même schéma.

Sauf que Dariel ne semblait pas de cet avis. Il était déjà au courant de tout ça, et ça ne changeait strictement rien pour lui. De toute façon, qu’on se le dise, sa sœur avait toujours tort. Quelle idée d’accorder de l’importance à son discours.

Frederick eut envie de protester. De se fâcher, même, rien qu’un petit peu. Parce qu’au moins une personne était morte par sa faute, et qu’il s’en voudra pour le restant de sa vie. Dariel n’avait pas le droit de dire ça – de traiter, presque de façon anecdotique, l’un de ses plus grands regrets –. Mais ce n’était pas ce qu’il était en train de faire, pas vrai ? Ce n’était pas la situation en elle-même qui était excusable, mais lui. Parce qu’au fond, il n’y était pour rien, et il était même quelqu’un de bien. Il ne cherchait pas à se racheter une bonne réputation en faisant ce qu’il faisait à présent; ça semblait être naturel chez lui. Et ça, c’était ce qui comptait aux yeux de l’agent immobilier. Pas ce que titrait la presse à scandale, et encore moins les avertissements de sa sœur.

La main dans ses cheveux le fit frissonner, mélange de surprise et d’anticipation. Il ne s’était pas attendu à ce que Dariel glisse ses doigts entre quelques mèches un peu emmêlées, pour les coiffer succinctement. D’habitude, il n’aimait pas spécialement qu’on lui touche les cheveux. Ondulés et difficiles à dompter, ils avaient tendance à former des nœuds très vite, et peu de choses étaient plus désagréables qu’un doigt pressé qui s’accrochait, vous arrachant quelques cheveux au passage. Là encore, Dariel s’appliquait à ne pas faire comme tout le monde. Ses doigts dansaient, habiles, évitant chaque point de tension pour courir sur la longueur des mèches sans qu’il n’ait l’impression qu’on lui tire les cheveux une seule fois.

S’écartant juste assez pour le regarder dans les yeux un court instant, Dariel lui confia que s’il devait être honnête, il y avait bien une chose qui le dérangeait. Frederick hocha la tête, crispé mais prêt à accueillir les doléances de l’agent immobilier. C’était sûr, après tout, ça ne pouvait pas être aussi simple, Frederick l’avait dit, tout à l’heure, il– attendez. Est-ce que Dariel… Est-ce qu’il venait de lui piquer son chocolat, là ? Frederick cligna des yeux, réfrénant une envie puérile de le récupérer. Qui piquait son chocolat aux autres, comme ça ? Il espérait qu’il serait à la liqueur, tiens. Ça lui apprendrait. (Evidemment, il ne disait absolument pas ça pour essayer de se distraire de la chaleur qu’il pouvait sentir fleurir sur ses joues; c’était une simple question de bonnes manières.)

Ses doigts poisseux se refermèrent sur du vide avant que sa main ne soit attrapée par Dariel, et qu’il sente une portion de son bon sens tirer sa plus belle révérence et voler en éclat. Si la réponse de Dariel était à des lieux de ce à quoi il s’attendait, alors les actions qui l’accompagnaient lui faisaient coucou depuis la lune, tant elles lui semblaient provenir d’un autre monde. Frederick ne savait pas ce qui était le pire dans cette situation; que Dariel estime que lui essuyer la main comme on l’aurait fait pour un enfants de deux ans après le moment du  goûter était une bonne idée, ou qu’il le laisse faire sans broncher.

Frederick était loin d’être pudique, quand ses désirs étaient concernés. Il n’avait jamais eu à se plaindre de l’attention qu’on lui portait, se faisant au contraire une joie de lui rendre la réciproque si le cœur lui disait.On avait complimenté son corps maintes fois. Il pourrait même dire sans trop de difficultés, qu’on l’avait admiré. Que beaucoup s’en étaient délectés. Mais personne encore n’avait agit avec lui comme Dariel le faisait aujourd’hui. Frederick avait parfaitement l’habitude d’être touché de manière plus intime par ses partenaires, mais les caresses dressaient en général les prémices d’une virée sous les draps. Pas d’une discussion sérieuse sur  la nature d’une altération qui faisait de sa vie un enfer. C’était novateur. Presque grisant. Ça n’aurait pas dû, mais ça l’était.

Dariel termina son étrange rituel et, interdit, Frederick l’écouta parler à son tour. Il le laissa se dépatouiller avec ses propres révélations, le laissa lui rapporter à demi-mot des ces vérités qui le rendaient nerveux – et qui, à bien y réfléchir, faisaient tellement sens –, et cette évidence qui ne l’était que pour lui. Dariel lui faisait confiance, aussi fou que cela puisse paraître. Cela montait à une le nombre de personnes dans cette pièce à le faire, parce que lui-même ne se faisait pas confiance. Un jour, le Bliss le poussera à la faute, il en était convaincu. Il espérait juste que Dariel n’en pâtisse pas. Du verbe pâtir, et pas pâtisser. Même sa profession se foutait de lui, par moment. A bout de souffle alors qu’il avait gardé le silence jusqu’à présent, il éclata d’un rire presque joyeux. Tu parles d’une blague.

Impulsivement, un sourire naissant sur ses lèvres, Frederick se pencha vers Dariel pour déposer un baiser sur sa joue fraîchement rasée. Quoi de mieux pour exprimer sa gratitude, quand un merci n’était pas suffisant ? Et puis… Dariel lui avait volé son chocolat. Il lui volait un baiser. L’échange était équivalent, non ? Il sourit de plus belle à cette pensée, et pencha la tête vers l’agent immobilier, ses mains passant rapidement sur son visage pour chasser ces émotions traîtresses qui ne demandaient qu’à éclater au grand jour. La frustration, la colère – toujours et encore –, mais également la reconnaissance, et cette étrange sensation de bien-être qu’il commençait à associer avec cette présence rassurante à ses côtés. Là, il laissa simplement son front se poser contre l’épaule de Dariel, juste un instant.

Ses yeux étaient brillant d’autre chose que de malice, et légèrement humides, mais Frederick savait que l’autre homme ne lui en tiendrait pas rigueur. Tout de même, c’était un peu trop – de rien, de tout –, alors il fallait retomber sur ses pattes. Avec l’humour comme bouclier, il s’essuya le plus discrètement possible le coin des yeux avant de s’éclaircir la gorge. Il rit doucement en se remémorant les paroles de Dariel.

-    J’espère bien que tu ne considères pas ça comme un plan cul, ou je suis au regret de t’annoncer que ton éducation sexuelle est à revoir, Dany.

De façon générale, on évitait de présenter ses plans cul à ses parents, et encore moins à ses grands-parents, et on les préférait un peu moins prise de tête et un peu plus dénudés qu’il ne l’avait jamais été en compagnie de Dariel. Bien évidemment, ce serait mentir que de dire que cette crainte n’avait pas traversé l’esprit du pâtissier. Elle avait existé, bien sûr, mais pas autant que celle d’être pris en pitié. Il préférait mille fois endosser le rôle d’un corps conquis que celui d’un animal blessé à sauver le temps de se sortir de sa vie d’isolation. Une âme jumelle, qu’on choyait amoureusement avant de réaliser qu’elle nous ressemblait un peu trop, et de commencer à la détester. Heureusement, il n’était rien de tout ça.

-    Ne dis pas à ta mère que j’ai dit ça. Elle me fait trop peur. Ne… Ne lui dit pas non plus que j’ai dit ça. Tu sais quoi, ne parlons pas de ta mère.

Très bonne initiative, Frederick. Evitons de parler de la femme qu’il lui était arrivé de maudire sur plusieurs générations dans sa jeunesse. A ce rythme, il allait encore se rendre responsable de l’altération de Dariel. Il secoua la tête en songeant à la subtile différence entre avoir confiance en quelqu’un et lui faire confiance. L’un une conviction intime, l’autre une locution raisonnable, accompagnée de preuves. Dariel avait confiance en lui.

-    Hum, merci. De me croire. Et…

Il abandonna sa phrase en cours de route. Il aurait aimé lui dire qu’il lui faisait confiance également, mais Frederick ne se faisait déjà pas confiance à lui-même. C’était trop tôt pour ce genre de beau discours. D’autant plus que sa confiance, il lui accordait de manière implicite en acceptant de s’ouvrir, ne serait-il qu’un peu.

-    Et, euh… Désolé. Le but c’était vraiment pas de plomber le petit-déjeuner.

S’installant correctement l’un à côté de l’autre, ils reprirent là où ils s’étaient arrêtés. Les boissons étaient tout juste tièdes, le beurre un peu fondu, mais c’était de loin le meilleur petit-déjeuner que Frederick avait eu l’occasion de manger depuis longtemps. Oui, même s’il avait eu droit, à peu de choses près, à la même chose quelques matinées plus tôt dans la semaine.

Une fois la collation terminée, Frederick insista pour faire la vaisselle, ce que Dariel ne validait que si lui aussi y prenait part. Frederick se retrouva à la plonge, quand à Dariel, il essuyait et rangeait le tout à sa place. Le tout ne prit pas plus de dix minutes, et aurait certainement été plus efficace et efficient si seulement l’un d’eux s’y était collé. Durant ce laps de temps, le téléphone de Frederick  bipa par trois fois, signe de messages rentrant qu’il ignora le temps de la vaisselle. Puis, il se sécha rapidement les mains sur un chiffon et attrapa son téléphone pour accéder à sa messagerie.

Les trois messages n’en formaient qu’un; leur expéditrice un poil trop nerveuse pour écrire d’une traite un long message et préférant le côté plus nerveux des envois idée par idée. Comptait-il être de retour avant le repas ? Une interrogation inquiète, sous couvert d’une question toute banale. Un peu comme une mère qui enverrait un “Tu rentres quand ?” inquiet, rappelant implicitement les règles de la maisonnée. Un poil embêté, il composa une réponse rapide avant de se tourner vers Dariel et de dire, avec une grimace.

-    Désolé. C’était Sandy. Elle voulait savoir si je rentrais d’ici la fin de la matinée, expliqua-t-il, J’ai promis de l’aider avec la bécane de Judith, et le coursier est arrivé plus tôt que prévu. J’ai dit non.

Il cligna des yeux. Un peu présomptueux, tout ça.

-    Ah… Mais tu dois avoir des choses de prévues.

Après tout, il n’avait jamais été question de passer la matinée ensemble. Mais il n’avait pas non plus été question de faire part à Dariel de ses tourmentes, et pourtant. Son portable toujours en main, il était prêt à renvoyer un message à Sandy en lui indiquant que, tout compte fait, il allait quand même rentrer.
Dariel Vaughan
Townie
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Blisstown
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Agent immobilier
Surnom :
Dany
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Je vous fait visiter ?
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L'humain est le fils du milieu, il possède une grande soeur et une petite soeur mais jusqu'ici je n'ai rencontré que lui en tant que représentant mâle de sa famille.
Une sombre histoire de prénom est au coeur des affaires familiales. Je ne comprends pas pourquoi. Dariel c'est joli pour un humain.

Je le tolère dans ma superbe demeure avec vue. C'est un bon colocataire, gentil et généreux. Il ne tolère aucune visite, aussi mon auguste personne n'est-elle jamais dérangée.

- pensées de Charlotte

L'humain part souvent pour son travail. Il vend des arbres à chat et des caisses à d'autres humains je crois. Avec bac à litière inclus !
- pensées de Charlotte

Notre vie est très tranquille. Il ne se passe jamais rien et ça me plaît ! Mais parfois, quand l'humain rentre, il ne se sent pas bien. Il est tout paniqué ou triste. Alors je le rassure par quelques ronrons. Et il m'aime encore plus.
- pensées de Charlotte



Dariel Vaughan
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Un autre câlin. D’accord. Avec plaisir. Dariel adorait les câlins. Il avait sourit au baiser volé, il sourit plus encore tout en refermant ses bras sur Frédérick, son visage contre son cou. Il aurait pu rester comme ça indéfiniment. C’était étrange d’ailleurs. Dariel n’était pas avare en tendresse, jamais. C’était même, sûrement, l’une des choses que l’on préférait chez lui. Sofia passait tout son temps dans ses bras. Elle disait que ça la rassurait et que là elle avait le sentiment que jamais rien de mal ne pourrait lui arriver. Un sentiment partagé. Tamara disait la même chose. Toutefois il ne ressentait pas lui-même cette impression d’être totalement à sa place et en sécurité. Avec Frédérick, si. Il était maladroit dans ses démonstrations d’affection, il était plus petit que lui, et pourtant Dariel adorait cette sensation de douceur et d’apaisement lorsqu’il s’appuyait contre le pâtissier, les yeux fermés et dissimulé par le voile de ses cheveux contre son cou. Il adorait l’odeur de sa peau. Il adorait sa chaleur. Et à chaque fois il s’amusait de sentir les frissons partir de ses doigts et se promener sur son échine, son dos, sur tout son corps simplement parce qu’il se tenait là. Frédérick avait la même odeur que le soleil, si tant est qu’il puisse avoir un parfum, avec une note de sucre, forcément. Lorsqu’il l’avait contre lui, Dariel voyait le désert dans ce qu’il avait de plus beau à offrir. Et il adorait ça. Ca ne pouvait pas être le fruit de son altération. Elle ne faisait que montrer des souvenirs ou des émotions, elle ne pouvait pas influencer ses sentiments. Sans elle, si le destin avait voulu placer les deux hommes sur la même route, sans doute qu’ils auraient tout de même terminé ainsi, dans la cuisine de l’agent immobilier, enlacés avant de boire leur café. Non, ça ne pouvait pas être le fruit de son altération. C’était impossible.

Un rire secoua tout le corps de Dariel à la petite pique envoyée par le pâtissier. Cet aspect-là de sa vie n’était pas celui sur lequel il aimait à s'épancher, même si sa langue ne cessait de fourcher en présence de l’autre homme. A son grand désarroi d’ailleurs. Il fallait admettre que Frédérick le mettait mal à l’aise. Parce qu’il était séduisant, et que ça l’effrayait d’être à ce point attiré par quelqu’un, tant pour son corps que sa personnalité. Il avait envie de tout et son contraire le concernant et c’était, dans le fond, le plus déstabilisant. Autant que d’entendre son surnom rouler sur la langue du pâtissier. Autant que de sentir son ventre se contracter parce qu’il adorait l’effet que cela produisait. Pas d'intonation un poil hautaine, pas de volonté de s’approprier qui il était, ni ce surnom qu’il affectionnait tant aujourd’hui. C’était simplement affectueux. Un brin moqueur peut-être. Non, taquin. Et Dariel, cette fois, éclata de rire en entendant son invité confesser que sa mère l’effrayait. Qui Dhélia Vaughan n’effrayait-elle pas ? Il aurait aimé en savoir plus, mais il jugea que parler de sa mère au petit-déjeuner, pour tout ce qu’il l’aimait, ne l’intéressait pas. A la place il hocha la tête et se pencha légèrement en avant pour souffler sur le ton de la confidence.

“- Je ne lui dirais pas.”

Sur cette promesse scellée, Dariel sourit à nouveau. Il était vraiment mignon lorsqu’il se mettait à nu, le pâtissier. Et le maître des lieux leva les yeux au ciel pour cette pensée stupide, infiniment trop niaise.

“- Ne t’en fais pas pour ça. Allez, dis-moi ce que tu veux manger.”

Et Dariel, en hôte parfait, en ami loyal, en … quoi qu’il soit d’autre attentionné, entreprit de beurrer les tartines et préparer à Frédérick tout ce qu’il lui demandait puisque celui-ci ne pouvait pas se risquer à le faire de ses mains. Ca ne le dérangeait pas le moins du monde. Ca l’amusait même. Autant que de voir Charlotte les rejoindre et suivre de ses yeux intrigués le balais incessant des cuillères et de la vaisselle sur le plan de travail.

Si son éducation l’appelait à interdire à un invité de faire la vaisselle chez lui, Dariel se força à laisser cette tâche ingrate aux mains d’un habitué de la cuisine. Il avait dû en passer des heures les mains dans l’eau mousseuse, à nettoyer, astiquer et faire briller verres et assiettes, et surement d’autres choses dont il ignorait les noms d’usages comme un économe. Pour Dariel il s’agissait du “truc pour éplucher les légumes”. A coup sûr, Frédérick hurlerait de devoir cuisiner avec lui. Pas qu’il soit aussi catastrophique que son père -lui au moins n’avait jamais rendu personne malade- mais on s’en approchait. Hormis les pâtes, les salades, et quelques petites choses simples sans trop de saveurs, l’agent immobilier ne se risquait pas à pareilles expériences.

Leur corvée terminée, Dariel alla se brosser les dents et terminer de se donner une allure présentable. Pas de rendez-vous prévus aujourd'hui ne signifiait pas qu’il devait se laisser aller. Même si, en temps normal, il sautait sur ce prétexte pour traîner chez lui en jogging, rarement avec quoi que ce soit sur les épaules. Mais aujourd’hui il avait un invité, et en plus il faisait un peu plus frais. La faute sûrement à la fine pluie en train de tomber. Il haussa un sourcil, avant de réprimer un frisson de peur à l’évocation de la mécanicienne. Cette femme, il se souvenait de ce qu’il avait vu dans son garage. Frédérick était-il au courant ? Il espérait que non, qu’il ne couvre pas et ne cautionne pas les agissements de cette personne. Dariel jeta un coup d’oeil en direction de la mezzanine et de son bureau.

“- J’ai du travail à faire à la maison aujourd’hui. Ca ne me dérange pas que tu restes si tu en as envie.”

Et par travail il entendait coup de fil et devis divers, en plus de travailler sur un plan d’aménagement d’une pièce de vie. Le problème lorsqu’on travaillait dans le luxe était qu’on avait affaire à des clients plus qu’exigeants. Chiants était le terme pour ne pas être plus vulgaire. Sous prétexte qu’ils dépensaient des centaines de milliers de dollars pour un appartement, il fallait qu’on écarte les murs plus que de raison pour agrandir une surface pourtant clairement délimitée. Et une excuse aussi banale que “ce mur est porteur, on ne peut pas le détruire comme ça”, ne valait pas grand chose aux yeux de ces personnes. Aussi, pour satisfaire aux caprices de ce jeune couple, stars montantes des réseaux sociaux, Dariel cherchait les meilleures entreprises aux meilleurs tarifs pour abattre ce mur porteur et ainsi ouvrir plus encore l’espace cuisine. Mais pas trop cher hein. On pouvait dépenser une fortune dans l’achat d’un logement, mais dans les travaux, non certainement pas. Et puis, ça ne devait pas être si compliqué que ça de casser un “petit bout” de mur porteur. Il portait quoi en plus ? Dariel soupira. Las. Passer sa matinée avec Frédérick était autrement plus intéressant que de négocier avec des entreprises pour des devis. Hélas, il fallait bien gagner sa vie, surtout que ses honoraires sur ce coup-là valaient le détour. Vu ce qu’attendaient ses clients de lui, Dariel ne se privait pas. Lorsqu’il devait jouer les architectes, il exigeait bien plus.

“- Si tu veux rentrer je t’appelle un taxi.”

Le même que la dernière fois devrait aller. En échange d’un bon pourboire le chauffeur ne ferait pas la fine bouche pour déposer Frédérick jusque devant sa caravane s’il le fallait. Dariel aurait préféré passer son temps à autre chose. Hélas il pleuvait définitivement. Tant pis. Il soupira à nouveau.

“- C’est dommage, j’aurais aimé te proposer de te détendre dans le jacuzzi. C’était ce que je voulais faire hier soir, mais j’étais plus fatigué que ce que je pensais.”

Il était certain que ça aurait plu à Frédérick.

“- La prochaine fois si tu veux ? Il faudra prendre un maillot de bain.”

Pensée purement pragmatique. Qu’une autre s’empressa de bousculer.

“- La prochaine fois je te réserverai tout mon temps. On fera ce que tu voudras.”

Ca sonnait comme une promesse. C’en était une. Deux jours entiers et une nuit. Il ferait en sorte de se libérer. Ca ne serait pas trop difficile. Et cette fois il ne s’endormirait pas devant le film.
Frederick Byracka
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Starcadia
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Ancien patron des "Délices du Bliss", connu pour ses pâtisseries aussi divines qu'onéreuses, Frederick avait pour habitude de vivre dans l'opulence. Se considérant comme génie culinaire et visionnaire dans son domaine, il vivait pour son Art.

Depuis la découverte de son Altération, il a choisi l'exile pour continuer à exercer sa passion sans vivre dans la peur constante d'empoisonner quelqu'un.

Le problème, c'est qu'il lui est bien difficile de trouver des ingrédients de qualités là où il se trouve à présent... Et il faut avouer qu'il peine un peu à se mélanger aux reclus de la société qui ont fait de Stone Belt leur terrain de chasse.
Frederick Byracka
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Ça ne le dérangeait pas qu’il reste, mais ça ne l’arrangeait pas non plus. Ce qui était entièrement compréhensible, sachant qu’on était lundi matin, et que les gens ne bénéficiaient en général pas d’un week-end de trois jours, qu’ils décident eux-mêmes de leurs horaires ou non. Frederick se surprit à regretter le fait que la fête d’anniversaire ne se soit pas déroulée un samedi. Ils auraient pu profiter du dimanche, ainsi. Malheureusement, on était lundi, et le pâtissier n’avait pas spécialement envie de retarder Dariel dans son travail. De plus, il avait autant envie de rester qu’il avait envie de partir. Pour se recentrer, premièrement. Pour ne pas tester plus vite que prévu jusqu’où il pouvait aller. Et puis, surtout, pour prendre le temps d’être légèrement mortifié par tout ce qui était arrivé (et par la vitesse où tout ça s’était enchaîné), en tête à tête avec lui-même.

Acceptant la proposition si gracieusement offerte de lui payer le taxi, il composa un rapide message à Sandy pour l’informer de son retour, prévu vers treize heures trente. Un chauffeur se trouvait dans les environs, prêt à lancer une course dans les dix minutes, aussi n’avaient-ils plus franchement le temps de se lancer dans de grandes conversations. Ce qui n’empêcha pas Frederick de songer à cette prochaine fois, promise par Dariel, et à la signification qu’elle portrait. N’avait-il pas entendu parler quelque-part d’une règle stipulant que c’était au troisième rendez-vous qu’on faisait tomber le boxer ? Bon, habituellement ce n’était pas pour le troquer contre un maillot de bain, mais l’idée restait la même. Quoique, c’était difficile de considérer les deux fois qu’ils s’étaient vu chez Dariel comme des rendez-vous. C’était tout autant difficile de les considérer comme autre chose.

Décidant de reprendre cette pensée plus tard qu’au beau milieu du séjour, alors qu’ils étaient occupés à contempler la pluie qui tombait sans faiblir depuis leur réveil, Frederick s’éclaircit la gorge.

-    On pourra commencer par revisionner le Temple maudit ? Je n’ai pas tout suivi, et le service de Streaming à la Stone Belt laisse à désirer.

Et puis, c’était plus intéressant de regarder un film avec Dariel que sans lui. La moitié de l’expérience provenait des commentaires murmurés durant le visionnage. Mais après tout, ils auraient le temps de planifier tout ça plus tard. En attendant l’arrivée du taxi, Frederick posa quelques questions à l’agent immobilier sur son travail, souriant devant certaines similitudes.

A priori, les clients pénibles – chiants, ils étaient juste chiants – se croisaient dans de nombreuses branches, et l’immobilier ne faisait pas exception à la règle. C’était amusant, de voir Dariel lever les yeux au ciel en expliquant sommairement les dernières exigences de personnes sans aucune expertise dans le domaine, mais qu’il fallait tout de même contenter au risque de passer pour un incompétent (car les clients n’étaient jamais ignares; il existait juste des commerciaux incapables).

-    Une fois, on m’a demandé des choux à la crème sans crème. J’ai eu le malheur de répondre : “Oh, des chouquettes !” et on m’a demandé si j’étais débile. Ils sont allés commander leurs choux à la crème sans crème ailleurs, du coup.

Dans les boutiques de Starcadia, le client était roi. Frederick avait beau ne pas être très calé en histoire, il avait retenu que la majorité des monarchies avaient été renversées par le peuple. Et ça lui allait très bien. Il n’avait que peu de patience pour les clients qui lui parlaient mal et ne s’était jamais senti gêné de remettre à leur place ceux qui dépassaient vraiment les bornes. C’était aussi l’un des facteurs qui avait forgé sa réputation en tant que chef un peu trop hautain, quand en réalité il n’en était rien.

Ils discutèrent jusqu’à ce que l’attention de Dariel soit happé par une notification sur son téléphone. Le chauffeur l’attendait à l’entrée de l’immeuble, et Frederick coupa court à la proposition de Dariel de le raccompagner. Il pleuvait, et il avait du boulot. Pas la peine de le raccompagner jusqu’à l’entrée; il connaissait le chemin, maintenant. Il passa une main légère sur le dos de Charlotte en passant devant elle, la laissant profiter de son sommeil, et récupéra ses affaires dans la salle de bain. Une fois paré au départ, il écarta les bras dans une invitation à l’accolade, et bien qu’il savait d’avance qu’elle allait être acceptée, il sourit de contentement lorsqu’il se retrouva avec l’agent immobilier dans ses bras.

-    Prends soin de toi, d’accord ?, dit-il contre lui, avant de reculer un peu pour ajouter, Et si tu as besoin de moi, tu sais où me trouver.

Il aurait pu dire tant de choses encore, mais ce n’était pas le moment. Pris par le temps, encore en train de déchiffrer les émotions à l’état brute qui l’animaient à la pensée de l’autre homme, il préféra le quitter sur ces simples mots. Une promesse, tout autant que celle que lui avait faite Dariel. S’il avait besoin de lui, il serait là, au meilleur de ses capacités – quel que soit le besoin.

Prenant place dans le taxi, il jeta un coup d'œil à l’immeuble qu’il ne quittait ni à contre-cœur, ni de gaieté de cœur. D’ici bas, l’appartement de Dariel n’était évidemment pas visible, mais Frederick sourit tout de même de savoir qu’au dernier étage de ce bâtiment se trouvait une personne incroyablement chère à ses yeux. Il ne savait pas par quel miracle il avait obtenu une telle considération de la part de l’agent immobilier : tout ce qu’il savait, c’est qu’il voulait tout mettre en œuvre pour ne rien gâcher. Bien sûr, ça aurait été plus simple de savoir comme s’assurer d’une telle chose s’il savait exactement ce qu’il y avait à gâcher ou non, mais le pâtissier n’était pas pressé. De plus, comme en pâtisserie, on ne pressait pas certaines étapes d’une recette au risque de faire face à un résultat désastreux. Une pâte qui avait besoin de repos entre deux étapes de préparation ne changera pas sa manière d’être juste pour s'accommoder de votre timing serré. Même lui savait ça. Et puis… Ils avaient tout leur temps.

Fermant les yeux brièvement, Frederick réfléchit trois secondes avant de se pencher en avant et de tapoter la vitre qui séparait son cocon de confort de l’antre du chauffeur. Le séparateur à peine baissé, il n’eut pas le temps de formuler sa demande que déjà l’homme aux cheveux poivre et sel portait ses yeux sur lui à travers le rétroviseur, une demande polie fusant à la seconde où il croisa son regard.

-    Que puis-je pour vous, Monsieur ?

Frederick grimaça visiblement. Il pouvait l’entendre, la lettre majuscule, dans son titre qui sonnait déjà un peu trop honorifique à son goût.

-    Est-ce qu’on peut s’arrêter pour une course ? J’aimerais acheter deux, trois trucs avant de rentrer.
-    Bien sûr Monsieur.
-    Ça, euh… Ça ne coûtera pas plus cher que prévu ?
-    Ne vous en faites pas pour ça, Monsieur.
-    Frederick, corrigea-t-il un peu nerveusement, Frederick, c’est mon nom. Et euh… Vous pouvez vous garer là-bas, s’il vous plaît.

Le chauffeur ne broncha pas, le déposant devant une petite boutique, dans laquelle il savait qu’il était possible d’acheter du chocolat d’origine Suisse. L’importation jusqu’à leur petit coin des états unis faisait flamber les prix, mais la détresse de son porte-feuilles valait la peine vu la qualité du produit. Il ressorti avec un petit sac isotherme (vendu en boutique pour la modique somme de “Beaucoup trop cher pour ce que c’était, mais au prix du chocolat vous mettrez bien vingt dollars de plus pour vous assurer qu’il ne fonde pas avant que vous puissiez l’offrir, pas vrai ?”) dans laquelle la vendeuse avait gracieusement glissé de quoi maintenir son achat au frais, et il se hâta de rejoindre le taxi. Pas plus de dix minutes étaient passées, et le chauffeur l'accueillit avec un sourire poli.

-    Vous avez trouvé votre bonheur ?
-    Oui, désolé. On peut y aller.

En véritable professionnel, il ne demanda pas à Frederick ce que contenait son petit sac. Ce qui n’était pas plus mal, parce que sinon lui aurait dû baragouiner qu’il comptait préparer un chocolat viennois et qu’il manquait cruellement de matière première pour en faire. Bien sûr, à part passer pour un excentrique de plus dans ce quartier, le chauffeur n’en aurait rien pensé. Mais lui savait pourquoi il avait une soudaine envie de préparer cette boisson absolument pas adaptée au climat désertique de la Stone Belt, et il préférait garder ça pour lui.

Regardant les bâtiments défiler sans vraiment les voir, il songea que, toutes choses considérées, cette virée chez les Vaughan avait été un succès. Ce qui ne voulait pas dire qu’il était prêt à remettre le couvert dans la foulée; la famille de Dariel était aussi épuisante que l’agent immobilier lui-même était ressourçant. Rien que de penser au fait que sa présence avait créé une telle discorde au sein de la famille… Surtout qu’au dédain de Phoebe s’ajoutaient les paroles de Sofia. Qu’est-ce qui pouvait bien avoir éloigné Dariel à ce point de sa famille ? Une altération, à n’en pas douter. Mais laquelle ? Et existait-il un lien entre cette dernière et la facilité avec laquelle l’agent immobilier avait réussi à le mettre en confiance ? Et quand bien même… Était-ce important ?

Frederick soupira et il ferma les yeux, laissant sa tête lourde reposer contre la vitre fraîche à sa gauche. Il pouvait remercier cette ville étrange pour sa capacité à compliquer ce qui l’était déjà. Comme si les relations humaines n’étaient pas déjà assez complexes comme ça.

Et si, parmi toutes les altérations possibles, le Bliss avait doté Dariel d’un don bien particulier lui permettant de ressentir les émotions d'autrui laissaient sur leur passage, comme une traînée de pollen irritant, il aurait certainement la joie sans nom d’être à présent confronté à cocktail un peu déroutant au sein de son foyer. Une fraction de peur, balayée par l'allégresse. L’angoisse de ne pas être écouté, soufflée par l’élation d’être compris. Un sentiment d’acceptation distinct, là où tout votre corps s’était tendu pour se préparer au rejet. L’écho d’une conversation pour laquelle on s’était préparé au pire, et qui réussissait à vous surprendre bien plus positivement que vous ne l’auriez espéré. Un brin d’espoir gardé; timide, mais tenace.

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