Les doigts martelèrent frénétiquement l'appareil, folle manie dont le cliqueti était entièrement couvert par les bruits synthétiques saturés.

HAYOUUUKEN!!

HOOOAAAAABRAKAKBROKAN!!

Des voix inaudibles perçant le vacarme.

"MmMMMmmMMMMmMmMMmMMh"

Etait-ce peut être le cri étouffé d'une victime frappé par un malfrat au détour d'une ruelle.
Il est pourtant si tard... Ou si tôt ?!

Rory jeta sa manette devant son vieux téléviseur et termina d'avaler le toast qui était resté coincé entre ses dents.
De toute façon, le jeu était meilleur en arcade et puis le soleil commençait à se lever.
L'heure de redevenir raisonnable. D'accepter de ne plus se faire absorber son âme par le monstre de plastique.
Ah lala, jouer jusqu'à ce que mort s'en suive, comme un adolescent. C'était bien là l'une des activités qui lui permettait d'oublier un peu tout.
La mascarade d'être un criminel blanchi qui ne peut plus se présenter sous son vrai nom. Les trucs chiants et sérieux à faire au boulot...
Vous reprendrez bien une dose d'illusion pour soupoudrer votre tartine sans confiture.
A quoi bon, tout ceci n'avait pas vraiment de sens quand on était plusieurs et personne à la fois.
C'est avec un goût amer que l'Irlandais se releva, ouvrit les volets et entreprit sa petite routine matinale.
Effectuer les actions futiles du quotidien lui permettait de ne pas trop penser.
Réjouissons nous qui plus est, Pas de Jupitrerie aujourd'hui, c'est un jour de repos !
Enfin... que le bonheur ne vous emplisse pas trop à la vue du soleil qui rompt les ténèbres.
Un amas de chaire purulant gonfla à l'intérieur de Rory et éclata dans toute la pièce, tapissant l'entièreté des murs de cette couleur vermillon au goût sucrée.
La lumière du soleil s'était obscurçit au contact de cette teinte si irritante pour votre rétine.
Un bout de Rory visiblement sa main gigotait et retrouva une partie de son visage, enfonçant bêtement un doigt dans ses narines. La stupeur de l'impact qui avait fait révulser ses yeux se transforma en un regard consternant pour lui même. Sa main n'était pas digne de lui être attaché.
L'être se reforma petit à petit dans le bruit du liège qui quitte les parois de verre de la bouteille.
Si sa matinée avait ainsi été bouleversée, c'est que ses "tâches", les petits bouts de lui-même, disséminés partout en ville venait de tomber sur quelque chose de suffisamment intéressant selon elles pour perturber son quotidien.

Malheureusement hélas, les êtres animés ne connaissent pas le principe de "ne pas travailler".

Une membrane translucide se pointa devant son visage tandis que l'oeil de Rory s'ouvrit comme une queue de paon pour en faire sortir de multiples appendices semblant s'agiter, ce délire vous paraît pourtant très clair, l'Irlandais se connecte à la membrane afin d'accueillir l'information fantasmagorique.
La « tâche » s'était semble-t-il glisser sous la chaussure d'un individu. Rory n'avait donc pas une image incroyable.
La détérioration du matériau par les multiples pas avait endommagé la prise de son, mais il reconnaissait parfaitement l'horrible béton moche de Bouldertown et... Ces chaussures... Rory leva un doigt tandis qu'une nouvelle arborescence de membranes s'accumulèrent.
L'ensemble du réseau s'ouvrait devant lui afin de trouver les informations annexes. Tout un ensemble contextuel se dessina dans son cerveau, les Hellhounds, c'était pour ça qu'il avait été dérangé.

Rory se figea, plus un bruit. La retranscription parlait de signes. De signes... Oui... Des signes de gangs ! Forcément ! C'était avec ça qu'ils pouvaient échanger des informations qui échappaient aux nullards de la Police.
Quoi ?! Une adresse ? Une date, aujourd'hui ? L'heure ?
La seconde main de Rory bazarda ce qu'il se trouvait sur son bureau d'un revers pour trouver un carnet et un stylo notant frénétiquement, pendant que l'extrait se répète inlassablement.
Vite.
D’un battement de cil, l’appartement de Rory se remit en ordre laissant uniquement comme unique témoin de ce qu’il s’était passé qu’une distincte senteur de fraise, l’Irlandais n’y prêtait plus trop attention, l’habitude.
Il enfila des vêtements qu'il trouvait ça et là. Pétri de cliché, lorsqu'il pensait aux Hellhounds, il n'arrêtait pas de voir ces gens comme les bandes de punks qu'il tabassait dans les jeux vidéos des années 90.
Pourtant ce n'est pas comme s'il manquait d'images pour s'apercevoir de la multiplicité. Ses idées sentent parfois le formol. Comment dit-on déjà ? « remettre l’église au milieu du village ? », «ça se voit comme le nez au milieu du visage ? », « remettre l’église au milieu du visage ? » Euuuuuuh… ‘fin vous avez comprit. Parfois ce sont les choses les plus évidentes et qui sont sur le bout de notre nez que nous ne voyons pas.
Au diable les costumes des administrateurs de Jupiter. Gilet-harnais en cuir sur son chandail. Pantalon cargo blindé de boucles et de poches et runners aux pieds. Le voici tout de noir vêtu.
Rory était prêt à filer avant de se rendre compte que de longues heures le séparait du rendez-vous. Qu'importe, il était déjà dehors pour s'imprégner de la ville.
« Sonnant » finalement à l'heure et au rendez-vous précis.