Je fermais les yeux, les doigts tapotant dans une valse singulière la carrosserie de la Victory Gunner alors que Chopin faisait démonstration de son talent à travers l'habituel mp3 dans ma poche. Le temps de chien et les grosses gouttes qui s'écrasaient sur le parking du garage n'avait pas empêché l'habituelle clientèle d'affluer en ce mercredi matin, particulièrement les riches motards de Starcadia. Ils étaient arrivés à l'ouverture du garage, alors que les stores métalliques venaient tout juste de se lever, des exigences et des délais à la bouche. Et si la perspective d'un gros billet n'avait pas été à porter de deux, trois vérifications, je les aurais alors bien envoyé balader, eux et leur condescendance de mes deux.
La musique se tut et avec elle mes écouteurs, laissant un silence, interrompu par le clapotement irrégulier de la pluie, envahir le garage. Assis par terre, les mains pleines de cambouis, j'écoute. Finalement, la musique reprend, c'est le but d'une playlist vous me direz, et mes gestes de garagiste s'activent de nouveau machinalement. Vérifier les freins, nettoyer les filtres à airs, changer l'huile, s'il y a bien une chose que j'ai apprise en 6 ans de métiers : c'est que les nantis ne sont pas foutus d'entretenir leur moto. Non. Fanfaronner : c'est tout ce qu'ils savent faire.
“Voyons voir tes pots d'échappement ma belle, connaissant ton propriétaire, ça doit pas être du joli. ”
Chiffons en main et nettoyant pour acier inoxydable en main, je m'accroupissais donc à hauteur de la sculpture métallique pour constater l'étendu des dégâts. Et le moins qu'on puisse dire, ce ne fut pas beau à voir. Tâches de rouille, amas de graisse, il n'y avait pas photo : la nonchalance du bourgeois avait encore frappé. Un soupir s'extirpa de ma bouche, accompagné d'un secouement de la tête et d'une caresse non retenu sur le siège en cuir du cylindré. Pauvre bête...
Après quelques noms d'oiseaux balancés là et là dans la pièce, je me m'attelais donc à la tâche.